Formation construction bois : Le récit unique d'une apprentie constructrice
Lundi 1er mai, sur le plateau du Larzac, me voici prête à démarrer une nouvelle aventure en ce jour de fête du Travail. Heureux hasard car j'ai décidé d'en changer (de travail) et de me former pour arriver sur ce nouveau marché (du travail toujours) plus compétente qu’auparavant.
Assis autour d'une table, nous sommes un petit groupe de 4 personnes venant d'horizons différents, tant sur le plan professionnel que géographique. C’est une équité parfaite : 2 hommes, 2 femmes, tous assoiffés d'apprendre. Je sens déjà une osmose s’installer au sein de notre groupe. Nous nous présentons tour à tour, partageons nos envies et nos projets s'il y en a.
C'est en construisant que nous deviendrons constructeur.ices Bois.
Pour cette première journée de formation ossature bois, nous commençons par une matinée théorique ponctuée d’échanges et du visionnage d'une vidéo explicative d’environ trente minutes. Nous discutons ensuite de nos premières impressions, exprimons nos savoirs respectifs : l'architecture pour 2 d'entre nous, la vie de chantier pour l'un et l'approche de la nature pour l'autre. Bruno (le formateur) nous guide, nous oriente et nous propose immédiatement les 4 projets auxquels il a réfléchi pour nous plonger dans le grand bain de la formation de charpentier et travail du bois. C'est en forgeant qu'on devient forgeron, alors c'est en construisant que nous deviendrons constructeur/constructrice-s Bois.
Nous allons réaliser un cabanon pour une guinguette, avec une totale liberté de conception à condition de respecter les matériaux disponibles et le site (situé entre les arbres). Nous nous rendons immédiatement sur le lieu prévu, à quelques dizaines de mètres d’où nous nous trouvons déjà. Pas de dessin technique, nous esquissons rapidement l'allure de notre masure, une fois les côtes relevées. Pour les deux architectes du groupe, il s’agit surtout de déconstruire nos habitudes afin d’apprendre à construire de nos mains. Drôle d’exercice.
Cette étape est brève et la matinée déjà terminée. L'après-midi, nous faisons de la place dans l'atelier pour produire notre première épure : le plancher. Celui-ci sera composé de deux pièces identiques que nous assemblerons en lieu et place. Nous voilà à débiter les longueurs nécessaires dans des poutres en "I", toutes de bois fabriquées. Nous mesurons, réfléchissons, coupons, vissons, clouons, ce qui sera le plancher du cabanon. Il est 18h47 lorsque nous soulevons notre première pièce à la verticale. Demain, plus savants qu’aujourd'hui, nous pourrons nous lancer avec plus d'aisance dans la réalisation de la seconde partie jumelle.
Partager son apprentissage de construction bois en convivialité
Mardi 2 mai. Tout le monde est à l'heure, excité par cette nouvelle journée. Nous faisons un bref bilan de notre apprentissage de la veille et remontons nos manches pour nous atteler à cette 2ème pièce. Autonomes, il nous aura fallu moins de 2 heures pour finaliser le morceau. Le moment est venu de déplacer les deux structures vers leur destination finale. Grâce à l’aide d’un engin, Bruno récupère aisément notre travail. Nous choisissons l'orientation du plateau, l’ajustons petit à petit pour clore cette matinée satisfaits d'une étape supplémentaire.
La pause déjeuner ne tarde pas à arriver. Chacun prépare son repas ou s'installe avec sa gamelle. Bien que nous ne mangions pas la même chose, nous partageons ce moment, qui devient d’une convivialité extrême car il nous permet d'apprendre sur chacun. Sans même nous en rendre compte, nous avons segmenté les moments de formation, où nos discussions portent uniquement sur ce que nous réalisons à l'instant T, et les moments de répit où nous préférons parler de nous et de nos expériences respectives. Nous nous enrichissons mutuellement.
Dans une ambiance joyeuse, laissant souvent des débats inachevés pour le déjeuner suivant, nous reprenons le sentier du chantier. Un léger terrassement, une mise à niveau sur plots et la pose des premiers panneaux d'OSB nous occuperont jusqu'à la fin de la journée. Un premier croquis en volume, esquissé à la hâte sur un smartphone, viendra acter les tâches du jour suivant.
Mercredi 3 mai. À peine arrivés, nous voilà tous en un claquement de doigts à l'ouvrage. La finition du plancher nous tient en haleine durant plus de 4 heures. Chacun a un rôle bien défini : découper des panneaux d'OSB, ajuster et prendre des mesures précises, marquer et visser sur lambourdes... À 14h50, nous marchons fièrement sur notre réalisation. C'est à ce moment que le chapitre "Ossature Bois" s'ouvre à nous. Bruno apporte des pièces de bois qui nous serviront de lisses.
Tout comme dans la vidéo du premier jour, nous matérialisons au sol une épure de notre futur premier mur. Deux lisses sont découpées de la longueur totale de ce qui sera notre façade sud. Elles n'auront pas vocation à chaîner mais auront le rôle de lisse basse et de lisse haute. Puis nous calpinons à intervalles réguliers de 60 cm les montants. Sans avoir encore dessiné de documents d'exécution, nous décidons intuitivement de l’emplacement des fenêtres. Une fois de plus, je griffonne sur une note de mon téléphone. Il semblerait que ce soit plus fort que moi, une déformation professionnelle.
Le montage des ossatures murales nous occupera durant 2 jours. Nous prendrons même le temps d'installer trois panneaux de polypropylène pour voir nos ouvertures prendre forme en ce jeudi 4 mai.
Vendredi 5 mai. Dernier jour ouvré de cette première semaine, la mélancolie pointe son nez lorsque nous réalisons que la formation est à mi-chemin. Une pointe de nostalgie m’envahit. Alors que nos quatre façades ont été montées la veille, il est l'heure passer à l’étape suivante, de s’élever plus haut. Aujourd'hui, nous apprenons à sécuriser le chantier pour travailler sereinement en hauteur. Aujourd'hui, nous installons les chevrons et la toiture. Nous définissons la pente, réalisons un montage à blanc, effectuons des découpes précises (type encoche) puis posons le revêtement de toiture en fibrociment. Notre cabanon n'est certainement pas encore protégé de l'air, mais en ce 5e jour d'apprentissage, il est à l’abri de l’eau. Bel exploit en ce jour d’orage.
Ossature bois : construction ou rénovation ?
Lundi 8 mai. Une pause s’impose sur notre chantier en ce jour férié. Pour autant, nous ne chômons pas car nous prenons la route en direction de l'Aveyron, après avoir chargé le camion de matériaux et d'outils divers. Nous nous apprêtons à relever un nouveau défi, exercice qui figurait dans la liste prévue par Bruno. La thématique du jour est l'ossature bois en rénovation. Rénovation ? Aucun de nous ne l'avait envisagé et pourtant cette solution nous apparait désormais comme évidente : peu coûteuse, respectueuse du bâti existant (ici un vieux hameau en pierre), amélioration du confort thermique, chantier propre et léger. Nous découvrons tous les bénéfices qu'apporte le bois dans ce cas-ci.
Après une heure et demi de trajet, nous découvrons notre terrain de jeu et sans tarder, vidons tout le chargement du camion. Après avoir reçu quelques explications sur l’avenir de ce bâtiment, nous nous installons en tant qu’ouvriers chevronnés et mettons en pratique nos apprentissages de la semaine passée. Comme pour notre cabanon, nous érigeons différentes ossatures à leurs emplacements. Quel plaisir de redonner vie à une ruine qui ne le sera bientôt plus. Le temps nous manque pour isoler de paille les modules de murs, mais c'est déjà une belle prouesse accomplie. Il est 16h30 et l'heure est déjà au retour.
La reprise de la construction du cabanon en bois
Mardi 9 mai. Nous revenons à notre projet, remplis de détermination, prêts à le finir dans les 4 jours restants malgré la longue liste de tâches à réaliser. Il nous manque une terrasse à l'avant, reliant la cour de la guinguette à cette cuisine d'été. Depuis le premier jour nous l’avions imaginée, mais nous l’avions considérée comme une option. Maintenant elle est devenue indispensable pour l’utilisation du cabanon, alors nous nous y attelons. Structure à monter, lambourdes à fixer, niveau à caler, plancher à poser... Contrairement à l'OSB qui sera recouvert d’un autre revêtement, le plancher de la terrasse est définitif dans son aspect. Nous apprenons à le poser comme on poserait un parquet, cherchant à avoir un calepinage homogène, en veillant à laisser des joints creux pour l’écoulement de l'eau et la circulation de l'air en dessous. Fiers, nous admirons notre réalisation à 18h26, respectant une fois de plus les délais impartis.
Mercredi 10 mai. Nouvelle journée, nouvelles tâches. Sans trop nous concerter, nous décidons de nous diviser en deux sous-équipes. Certains s'occupent des bardages, tandis que d’autres se lancent dans la conception puis la réalisation d'un escalier d'accès à la terrasse. En une matinée, les deux missions sont accomplies. Nous prenons le temps de partager nos réalisations : comment installer un pare-pluie, comment mesurer une contremarche, comment démarrer la pose des lames verticales, comment s'essayer au confort d'un giron, comment détourer une baie, comment lier cet escalier, etc. Malgré les tâches différentes, nous nous observons mutuellement et avons tous l’impression d'apprendre autant en observant qu’en faisant. Fiers de nous une fois de plus.
Jeudi 11 mai. J-1... Nous continuons à un rythme effréné ce que nous avons commencé le jour précédent. Bardage à 45°, système de ventilation "home-made", toutes ces petites choses qui prennent du temps et qui occupent cette journée, entrecoupées de bonnes blagues et de rigolades.
Construction bois « hors d’eau, hors d’air » - Fin de la formation
Vendredi 12 mai. C’est officiellement le dernier jour. "Hors d'eau, hors d'air" depuis hier, il nous reste beaucoup à faire. Bruno nous rappelle la fonction première de ce cabanon : il deviendra une cuisine à partir de maintenant. Il faut alors le revêtir de matériaux moins nobles que le bois. Bien que nous hésitions quelque peu (toujours dans la bonne humeur), Bruno décide de nous laisser cette ligne à plus tard (quitte à la terminer seul la semaine suivante). A la place il nous propose de nous essayer à l'isolation, ce que nous n'avons pas encore mis en œuvre. Nous regagnons alors l'atelier (c'est tant mieux, tant il pleut) pour apprendre les principes théoriques et pratiques. Pare-vapeur, sens de pose, déroulage et découpage, tout nous est expliqué sur un mur d'exercice. Monter un mur intérieur s'ajoutera comme un exercice optionnel obligatoire ;) La pluie cesse, comme si elle nous invitait à retourner sur le chantier et à terminer les tâches que nous avions laissé en suspens le matin même. Il nous faut poser un linoléum et habiller les murs intérieurs d'un revêtement plastifié.
Ça y est, notre to-do list est complètement cochée. Il est temps de faire le bilan, de photographier notre chef-d'œuvre, de prendre nos contacts respectifs pour mieux se quitter. Sous l’apparence d’une jolie colonie de vacances, cette formation s'achève. Avec beaucoup, beaucoup d'émotions et des trémolos dans la voix, nous nous disons au revoir, nous nous souhaitons le meilleur et nous promettons de nous entraider à l’avenir.
Quelle expérience technique, mais surtout quelle expérience humaine.