Stéphane Poix, apiculteur formateur témoigne sur son année 2022

L'année 2022 à été caractérisée par l’aggravation des quatre principaux facteurs de menaces pour les abeilles : Pollutions, climat, varroa, frelons asiatiques.

Les pollutions et l'apiculture

  • Intoxications chimiques : L'emplacement du rucher (le plus loin possible des grandes cultures) et son déplacement rapide si besoin, sont déterminants pour les éviter.
  • L'agriculture intensive, l'élevage, les communes et les particuliers, en raison de leur utilisation des produits « phytosanitaires » sont, par ordre croissant, des facteurs de risques.
  • Les antennes relais et les ondes électromagnétiques, que je soupçonne d’être un problème pour nos abeilles.

Un épandage sur blé, (fongicide+insecticide+solution sucrée) à 200 mètres des colonies pendant la fleur de merisier a coïncidé avec des tremblements d'abeilles suivis de la mort de dix essaims. Ceci a été pour moi le plus gros facteur de perte directe en 2022.

Dérèglement climatique et apiculture

Le dérèglement climatique entraîne souvent un risque de famine.

En réaction, l'apiculteur doit veiller a ce que les réserves de miel stockées dans le corps de la ruche (seule partie habitée durant l’hiver) soient suffisantes. A ce propos, le choix de la race d'abeilles est important car il détermine l'organisation du stockage des réserves dans la colonie. Cela reste par la suite (au-delà du choix de la race) un critère important de sélection des reproducteurs.

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Pour éviter tout risque de famine, il peut m'arriver de décider de réserver certaines miellées à la constitution des réserves pour les abeilles : je ne pose alors pas de hausses et ne fait donc pas de récoltes.

En 2022, ça a été le cas des miellées de saule, de prunus, de callune, et de lierre.

Quant aux miellées de merisier, d'acacia, de tilleul, de ronce et de châtaignier elles ont permis à la fois de constituer des réserves pour les abeilles et de récolter l'excédant. Pas de famine cette année.

Traitements de l'apiculteur contre le varroa

La chaleur estivale, en plus de bloquer la production de nectar chez les plantes, à eu pour conséquence une multiplication record du varroa en favorisant sa fécondité.

De plus, des analyses en laboratoire semblent le confirmer, au-delà d'un certain taux d'infestation les traitements sont inefficaces car sous-dosés par rapport à la situation.

En 2022 j'ai effectué quatre traitements différents, d’août à décembre, soit environ un traitement tous les 45 jours. Et malgré cela, j'ai perdu six essaims.

Les pertes ont cessé à partir du troisième traitement et je n'en déplore plus depuis.

Si vous faites face à des soucis avec votre rucher, il est possible de vous faire accompagner par un consultant en apiculture sur le site Lokal Eko.

Les frelons asiatiques et l'apiculture

La pression augmente chaque année parce que ces frelons n'ont ni prédateurs, ni parasites.

Dans les Pyrénées centrales, ils ont atteint une force leur permettant, par exemple, de détruire totalement un rucher de 100 colonies.

Le piégeage des fondatrices au printemps est une priorité, à partir du 1er Mars (1er Avril en climat montagnard). Cependant, il est nécessaire de multiplier les axes de lutte, et cela correspond à beaucoup de travail.

Parmi les techniques mises en place en 2022, il y a la fuite (nous fuyons beaucoup de choses), l'extermination à la raquette de badminton, (comptez cent frelons à l'heure et trois heures par jour par rucher pour les plus atteints d'entre eux), l’empoisonnement (qui bien sûr, prête à polémique) et la destruction des nids.

Vaste programme, mais insuffisant...

Bilan de l'année 2022 pour l'apiculteur :

J'ai réalisé à partir d'octobre, une évaluation de la population d'abeilles de chaque colonie et dans le cas ou la colonie ne compte plus assez d'abeilles (elle sont mangées une a une), il faut rassembler la colonie avec une autre colonie, trop faible elle aussi.

Cela est l'occasion de faire un tri parmi les reines, parce qu’il ne peut y en avoir plus qu'une par boite, en général je ne garde que les reines de l'année, sauf exception. Les autres je les donne. La race de l'abeille est importante, car elles ne doivent pas être trop agressives, pour éviter les bagarres.

En 2022, mon cheptel a démarré avec 80 colonies en sortie d'hivernage. 160 colonies sont comptées au mois d’août au plus fort de la saison. Reste 120 colonies après les derniers rassemblements en décembre. Aucune mortalité supplémentaire n'a été constatée cet hiver.

Globalement le sentiment de mise en péril des colonies est renforcé, cela confirme les choix de conduite de cheptel que j'ai adopté au fil des années :

  • Conduite au cas par cas pour chaque essaim, essaimage maîtrisé, mortalité sur l'année à moins de dix pour cent, doublement des colonies au printemps, rassemblement d'un quart du cheptel si nécessaire en automne, privilégier le travail sur la « beauté » des abeilles plutôt que sur la quantité.

Cela constitue le cadre de bien traitance de l'abeille que je préconise de 1 à 200 colonies, au delà, la conduite du cheptel doit favoriser des gains de temps et donc avec d'autres logiques et d'autres techniques.

Plus que jamais, le temps passé auprès des ruches est important et nécessaire, mais encore faut-il savoir exactement ce qu'il faut faire, parce que le dérangement stresse parfois la colonie. Nous devons donc toujours agir à l'essentiel, pour le bien de la/des colonie(s).

L'apiculture en 2022 convient bien aux tempéraments combatifs, à ceux qui ne se découragent pas facilement.

Pour ceux qui se lancent et qui persévèrent, la motivation est souvent en partie idéologique, elle rejoint un engagement sur le terrain, quotidien, pour la protection des abeilles. Certains parlent de « médecins des abeilles », d'autres disent « gardiens des abeilles ». Dans ce métier, il apparaît de plus en plus une dimension de lutte, qui refuse la fatalité de l'extinction des insectes.

Je crois important d'être conscient de cet aspect philosophique.

En toute logique, les menaces et les pertes peuvent décourager l'apiculteur. Tout en renforçant sa motivation dans le rôle qu'il tient au niveau collectif et sur le long terme, par exemple pour la transmission aux générations futures d'un monde avec des abeilles et des fleurs…

Dans tout les cas, que l'on ne puisse pas dire de nous ; « vous n'avez rien fait ».


Stéphane Poix
Apiculteur producteur et éleveur d'abeilles.